L'angoisse

Je ne sais pas ce qui m’arrive. Il parait que j’angoisse. Il parait que c’est normal, l’angoisse. Il parait que ça fait partie de l’être humain, cette notion de panique soudaine qui nous prend un jour, un beau jour lorsque la vie que l’on mène n’est pas celle qu’on aurait pensé.

L’angoisse. Je ne sais pas ce que c’est. Je sais juste que j’ai du mal à déglutir, du mal à respirer, du mal à penser de manière correcte. J’ai besoin d’air. C’est étonnant parce que l’air que je respire est le même à l’intérieur qu’à l’extérieur. Alors que faire dans ces moments-la ? Que faire lorsqu’on n’arrive plus à manger, à se nourrir, à communiquer de manière correcte notre mal-être ?

Il y a des cap à passer. J’en passe peut-être. J’ai du mal à réaliser que j’ai travaillé beaucoup pour finalement pas grand chose. Cette angoisse, c’est peut-être cela. Il parait que la vie est plus simple lorsqu’on est simple d’esprit. D’où l’expression populaire, sûrement « heureux les simples d’esprit ».

Je ne sais pas ce qui m’arrive. Je n’en suis même plus inquiet. En fait. Je crois que j’ai besoin de cet état là, cet état second. J’ai peut-être besoin qu’on me sauve, qu’on me montre la lumière, moi qui est toujours pris bien soin de vouloir l’indiquer aux autres. C’est peut-être ça qui change en moi. Ce n’est plus moi qui indique ou se trouve la lumière. Je ne suis plus à l’extérieur de l’humanité, mais véritablement à l’interieur. Et ça me fait peut-être cogiter, ça me fait peut-être mal d’admettre que je ne serais définitivement pas cette espèce de guide qui se sert des autres pour avancer.

Alors, cette angoisse serait comme une fierté refoulée. Est-ce que le fait d’avoir travaillé beaucoup pour un sujet, dans un domaine précis, sans en recueillir les fruits à fait de moi ce que je suis à l’heure actuelle : un homme stressé multi angoissé ? A la réflexion, et j’ai beaucoup réfléchi là-dessus, je pense que oui. Je m’en veux d’avoir failli. Mais je sais qu’en plus avoir réussi cela n’aurait rien apporté de plus. Ma vie n’en aurait pas été changée pour autant. Je ne serais pas devenu, du jour au lendemain, le roi du pétrole, avec une flopée de personnes autour de moi qui me tiendrait compagnie autant qu’elle m’adulerait. Je crois que je le sais. Je crois que je l’ai toujours su. Mais je me disais le contraire, je me convainquait du contraire, comme si j’avais besoin de placer une barre de manière suffisament haute pour irrémidiablement savoir ensuite que j’allais me casser la figure dessus. Oui, j’aurais pu reussir cet exercice. Oui, il aurait été important que je le réussisse. Mais cela m’aurait apporté quoi ? Je ne crois toujours pas avoir la réponse. Je ne l’aurais jamais. Je vois autour de moi que cela n’a pas permis d’améliorer le sort de ceux qui ont réussi.

C’était encore une fois une question de fierté. J’ai peut-être besoin d’être fier pour me sentir vivant, intéressant, besoin de se dépasser dans des domaines où je ne suis peut-être pas fait pour. Mais il faut avoir des échecs, des échecs cuisants pour apprécier les victoires sur le sort, la vie. Il faut autant, et sûrement plus, se battre contre soi-même que se battre contre les autres. Je n’ai pas trop peur des autres, j’ai très peur de moi-même. Ce moi qui prend une place démesurée, qui envahi mon espace à tel point que j’ai besoin de me nourrir du contact des autres pour m’oublier, pour oublier que j’existe et à quel point ça me paralyse.

Cette angoisse, ce sentiment qui me traverse l’esprit au moment où je tape (on ne dit plus j’écris d’ailleurs, on dit je tape, les joies des nouvelles technologies) ces lignes me font irrémédiablement penser que je ne sais plus trop pourquoi j’angoisse. Mais je dois l’accepter, je dois faire mienne de cette angoisse. Elle fait partie de moi, comme d’autres sentiments, d’autres rancœurs, d’autres inquiétudes. Ces sentiments, on ne les aime pas dans une société moderne, actuelle. On a bien raison. Parce que c’est des sentiments qui nous renvoient à nous même, à nos peurs, à nos doutes.

Je ne veux plus prendre des pilules. Ni des bleus, ni des roses. Les pilules m’emmerdent. Elles devraient être là pour me faire moins angoisser mais je crois qu’il faut que je me nourrisse cette saloporie d’angoisse. Je crois que j’en ai besoin, d’éprouver ce sentiment de morfler. C’est paradoxal mais mon corps m’indique bien que cette état, que j’aurais presque pu qualifier d’état second tellement je me sens extérieur à mon corps, comme spectateur de ma propre vie, me fait dire que tout ce qui m’arrive, quelque part, je l’ai un peu cherché. J’ai un peu cherché cet état de fait, ce sentiment de malaise, cette peur d’être abandonné, d’être livré à moi-même et de ne pas savoir quoi faire. Alors que je sais quoi faire, quand je suis seul, j’ai l’impression de savoir me demerder, et je découvre d’ailleurs des qualités que j’aurais jamais pu soupçonner auparavant.

Cette peur panique, cette angoisse a sûrement des causes. Est-ce que j’ai besoin de savoir laquelle l’emporte ? Je crois pas. Je crois que toutes les causes de cette angoisse, qui n’auraient jamais produit ce phénomène chez moi auparavant, ne sont qu’un empilement de strates les unes sur les autres. Je ne souffre pas. Je morfle juste. J’ai mal nulle part, sauf à l’épaule, comme d’habitude, depuis quelques temps. Mais la guérison prend du temps. Je crois que j’ai finalement besoin de guérison, de me guérir, de prendre soin de moi, de me reposer.

La mise en scène de l’angoisse est assez dure. Ca ne se voit pas. C’est quelque chose qui arrive, qui te prend à la gorge (dans mon cas, au sens propre comme au sens figuré). Il faut l’accepter. Je crois que je suis en train de l’accepter. Je crois que j’ai besoin d’accepter que je ne suis pas un super héros, un sauveur de monde, un homme hors du commun. Ca me fait mal mais je crois que finalement, je dois l’accepter. Je n’ai finalement pas d’ambition, pas plus que ce que les autres ont. Du moins, en l’état actuel, je ne peux pas en avoir plus. J’ai pas plus d’ambition que quelqu’un d’autre. Si j’en avais eu, j’aurai bâti ma vie différemment, pour poursuivre ce but. La seule ambition que j’ai jamais eu, c’est celle de vivre tranquillement dans un endroit autant éloigné des hommes que très proche d’eux. Il se trouve que ce coin n’existe pas. C’est paradoxal, d’ailleurs. Je l’ai autant cherché que refoulé, ce coin.

On parle de psy. On parle de parler à quelqu’un. En fait, on me dit de parler à des inconnus de mes problèmes. Mais là-dessus, je ne suis pas comme les autres. Je ne ressens pas le besoin de me confier à un inconnu. Les inconnus ne me servent à rien, je n’ai ni peur d’eux, ni ne les aime, ces inconnus. Ils n’en savent pas plus que ce que j’en sais dans mon domaine. Ils appliquent des recettes, comme j’en applique dans le mien. La vie est ainsi faite d’histoire de recettes, de cette façon que l’on a de nous dire que dans tel cas, il se passe cela, dans tel case, il doit se passer cela.

C’est cette histoire de recettes qui est autant rassurante qu’emmerdante. La vie  humaine n’est pas faite que de recettes que l’on peut appliquer à tel problème. Ca emmerde tout ce qui sont des intégristes des sciences dures, ces histoires de recettes, qui se réfugient dès leurs plus jeunes âge dans les mathématiques pour appliquer des recette, où 1+1 sera toujours égal à 2. Un prof, peut-être un collègue, me disait encore ça : je ne pourrais pas faire ce que tu fais parce que tu es dans un domaine qui bouge tout le temps. Et dans le mien, 1+1 sera toujours égal à 2.

Il fut un temps où je pensais que ces sciences dures avaient une certaine supériorité sur les sciences dites humaines. Mais je m’aperçois, qu’au final, c’est plus une solution de facilité. On va là vers les choses qui sont plus simple à comprendre. L’humain n’est pas facile à comprendre. On a besoin de son background (c’est un très joli mot ça, le Background, plus joli que son histoire, d’ailleurs, ou son vécu). On a besoin de savoir pourquoi il croise les jambes, pourquoi il croise les bras, pourquoi il fait tel ou tel regard. Est-ce que tous ses sentiments s’appliquent à tout le monde où y-a-til des variantes.

Voilà, c’est peut –être ça, l’angoisse. Et j’angoisse parce que j’ai peur. J’ai peur du lendemain, peur de ne pas réussir ma vie. Mais là, je me détruis tout seul. Mon corps ne veut plus que je mange parce que ma tête me dit de plus manger.

Et il est toujours curieux, lorsque tu parles de cela autour de toi, qu’on te dise souvent deux choses : la première, c’est d’arrêter d’être dans cet état là. La deuxième, c’est agir (ou plutôt de réagir). Les gens ont besoin de te dire ça. J’avoue que je tombais souvent dans ce travers aussi. Mais j’ai arrêté. Ou je tente d’arrêter. Je ne dis plus aux gens d’agir ou d’arrêter d’être mal. Être dans cet état là, ça fait partie de la vie. Et dans ces moment là, t’as plutôt envie de ne pas agir ou réagir qu’autre chose. Et pourtant, on te dit de faire des trucs, de prendre des trucs, d’aller voir quelqu’un, de faire cela, comme si tu n’étais pas capable, toi, de savoir que dans ce cas là, la seule personne qui puisse vraiment t’aider, c’est toi-même. Mais encore faut-il avoir confiance en soi. Et c’est tout le problème. Cet état se créé également parce que la confiance en soi n’est plus là, n’est plus présente. Que ce moteur, qui te faisait avancer et affronter les difficultés n’est plus autant présent qu’auparavant. Elle est parti lorsqu’est parti le reste.

Voilà, l’angoisse. La peur. L’échec. La panique. Le fait de faire dans ses moments là des choses que tu ne ferais pas d’habitude, comme aller dehors par-3° avec un seul pull sur le dos et ne pas ressentir le froid de manière évidente, alors qu’il fait froid, comme si tu avais besoin de chercher dehors ce qui est juste au fond de toi, de voir que tes démons sont présents et qu’il faut juste les côtoyer un peu plus.

Je dois m’accepter. Je dois accepter cette angoisse. Je dois accepter que je suis moins fort que ce que je devrais l’être. Que je ne suis pas un super héros, un superman que rien ne plus toucher et qui contemple l’humanité avec recul, comme si tout cela ne faisait pas partie de lui. Je fais partie de l’humanité. Je fais partie de ces gens, qui ont tous autant peur que moi. Et qui sont tous autant angoissé que je le suis.

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