Féminisme, mademoiselle, prostitution et pussy riots

Ecrire sur le féminisme quand on est un mec, c'est comme parler de grossesse quand on est un mec. Ou  parler des pussy riots sans être russe et tout un tas de choses. En clair, le discours risque d'être peu crédible. Voire pas du tout.

Non pas que, comme tout être humain, on n'est pas capable d'embrasser une cause. Tu peux sauver des dauphins si tu veux. Parler de la déforestation de la planète à grande échelle et de toutes les civilisations, pardon, de peuples. Tu peux parler du capitalisme sauvage ou encore de la mondialisation qui te fait bien chier parce qu'elle fait travailler des enfants.

Mais le féminisme, c'est dur parce que par définition,  t'es un mec. Et un mec, c'est l'espèce dominante dans une société bâtie sur elle. Y a de la guerre entre le male Alpha et les autres, ceux en dessous. Et il y a la guerre entre l'homme et la femme. Ce n'est pas vraiment une guerre d'ailleurs. Mais bon nombre d'ouvrages, de films (de la comédie en passant par le drame le plus tendu), de peintures, sculpture et tout pleins d'autres arts mettent au goût du jour ce qui peut paraître évident : on reste quand même sur des rapports dominés dominants.

Bien entendu, le dernier paragraphe est caricatural. Les choses ne sont bien évidemment pas aussi simples que cela. S'il y a guerre, il y a forcément un vainqueur et un vaincu. Ce qui n'est pas le cas avec la reconnaissance, outre que textuelle de l'égalité entre l'homme et la femme. On peut penser d'ailleurs que dans notre société actuelle moderne, on est au firmament de cette égalité, par notre modèle qui s'apparente à une superbe république occidentale faite de partage, de discussion et de compromis, bla bla.

Mais arrêtons de rêver. Nous ne sommes pas dans une société de hippies.

Il y a quelques années, La presse dissertait assez gentiment sur la place de l'homme. Cet homme qui ne se reconnaissait plus en tant que tel, avec les métrosexuel (pure invention médiatique) et le partage des tâches ménagères. L'homme commençait à muer et à perdre son sentiment de virilité (chose totalement conne en soi puisque Vir voulant dire homme en latin, on est homme par définition, viril ou non) nous disait-on. En tant que mec, ça me faisait sourire. Comment être un homme un vrai. Si tataner la gueule de son voisin est être un homme, il n'y a rien de plus facile. Je l'ai fait. Et je m'en suis pas senti plus homme que ça.  Non au contraire, j'avais cette impression de revenir à l'état de nature, cette loi du plus fort qui me faisait imposer physiquement ma puissance sur un autre mâle qui se prenait pour un mâle alpha mais qui était comme moi. Un pauvre quidam moyen. Imposer sa force n'a rien de viril. C'est juste marquer et pisser sur le territoire de l'autre pour l'agrandir. Au dépend des autres. Et sans prendre en compte les autres. C'est plus de l’égoïsme que de la virilité.

Mais ça fait bien. Parce que nous sommes dans une société virile. On se bat tous les jours. On doit marcher sur les gens pour avancer. Les écraser. Passer un entretien et être le meilleur. Cette notion de compétition exacerbée entraîne forcément des dérives. Acceptables ou non. Le non l'emportant d'ailleurs assez souvent, surtout maintenant.

Quand on voit le foin sur le "Mademoiselle" qui devrait rester sur les formulaires administratifs parce que tu vois, c'est bien, c'est joli, c'est beau, un mademoiselle. Ou encore parce que ça va coûter trop cher (argument économique souvent imparable, le coté cher des choses). Ou encore que "les féministes vont pas nous emmerder hein, elles ont déjà eu assez des choses comme ça !". Ca serait presque lolant si c'était pas aussi pathétique.

Ce mademoiselle, il faut l'enlever. Et je dirais il fallait l'enlever. Parce qu'il partira, parce qu'il est parti. Déjà, ça coûtera moins cher à toutes les femmes qui se feront moins chier la vie à se demander si elles sont des mademoiselle ou des madames. Ensuite parce que ça fait une case de moins sur des millions de formulaires. Qu'ensuite, t'as déjà le nom de famille de la personne en question, sa situation (divorcée, veuve ou célibataire) ce qui te donne pas mal d'indication si c'est une mademoiselle ou pas. Ensuite, l'administration n'a pas à savoir si tu préfères être une mademoiselle ou une madame. Ca ne la regarde pas. Elle se mêle déjà assez de beaucoup de choses sans avoir besoin de ce point de détail qui concrètement, si t'as pas marqué que t'étais mariée, n'a pas franchement beaucoup de répercussion sur le reste.

Mais si l'argument économique semble l'emporter alors, deuxième problème. Pourquoi on ne reconnait pas le statut de travailleuse du sexe et tout ce qui va avec ?

Parce que nous sommes ici en pleine économie. Laisser une personne louer son corps (en clair exercer le métier de pute) ou jouer avec son corps (en clair exercer le métier d'actrice porno) est un acte de commerce. De prestation et de tout ce qu'on peut imaginer comme terme liée à une activité professionnelle. Mais celles qui veulent faire  ça se heurte déjà aux gentils messieurs, qui, à part fréquenter les putes, sont pas à leur place. Et pensent donc pouvoir légiférer dessus et avoir le bon sens avec eux. Et puis une partie des des femmes qui se disent que c'est quand même de la belle saloperie que les femmes soient asservi à ce point et que la prostitution doit être abolie parce que ça porte atteinte à la dignité des femmes. Rejointes par d'autres qui sortent le superbe argument que les hommes sont les hommes et ont des besoins sexuels supérieurs à celles des femmes et que c''est quand même le plus vieux métier du monde (je pense plutôt que c'est celui de chasseur ou de cueilleur personnellement parce que baiser le ventre vide, je sais pas vous mais moi perso, ça limite mes capacités et prouesses sexuelles, hormis bien entendu si je suis plongé dans une passion dévorante ultime qui me fait perdre toute sensation... et encore). Bref, la prostitution fait débat et bien entendu les principales intéressées, que ça soit les putes ou les actrices porno, ont pas vraiment leur mot à dire. Non pas qu'elles savent pas ce qu'elles disent mais forcément, leur propos est soumis à caution. Juste le leur hein, pas ceux qui enfilent les clichés comme des perles. Non, eux, ils peuvent continuer à dire de la merde. Il n'y a pas de souci. Par contre, une pute ou une actrice porno qui bossent toute l'année n'a pas son mot à dire. Elle est souvent d'ailleurs exclue du débat. Et quand une se met à parler, que ça soit la secrétaire d'une association ou un pornstar reconnue, forcément, comme elle a réussi et qu'elle parle bien, elle ne compte pas. Elle, c'est sur que ça va pour elle. Mais est ce qu'elle a pensé à toutes les autres pour qui ça va pas, hein ??? Non mais franchement, pour qui elle se prend de pavaner à la télé et dans la média alors que ses consoeurs souffrent ? Elle a pas de coeur ?? Sal... !

En clair, être une pute ou une travailleuse du sexe, c'est assumer déjà son métier mais celui de sa voisine et celui de toutes ses voisines voire même de toute les voisines du monde. Plus celles des femmes de son patelin, plus celles de son pays plus tout ce qui se passe dans le monde qui est un peu de sa faute quand même parce qu'elle fait un métier bien pourave pour la moralité. Et autres conneries de ce genre.

Une prostituée, une pute, une pornstar doit être une madone si elle veut parler de son métier. Ca ne peut pas être juste une femme qui gagne sa vie et juste la sienne. Non, elle doit lutter contre le trafic clandestin, être solidaire envers toutes les autres sans jamais, ô grand jamais demander quelque chose sur son statut. Et puis quoi encore !

Alors que dans une société démocratique, on se doit de protéger les gens contre la mafia et autres organisations qui abusent d'être humain, il est de bon ton de stigmatiser (deux points gauchistes dans la même phrase,, de bon ton et stigmatiser, yeah) les filles qui sortent du bois comme des suppôts du mal modernes. Parce qu'elle osent parler de ce qu'elles font. Et si je parle bien des filles, c'est qu'elles morflent beaucoup plus que les mecs dans ce secteur et notamment les acteurs porno. Ces derniers peuvent prendre leur retraites tranquilles, ils sont limites adulés et surtout peuvent avoir une vie peinarde. Un fille qui raccroche pas vraiment. Elle est marquée à vie. Certaines s'en sortent, elles sont rares mais décrédibilisées à vie (sauf peut-être Lahaie et Traci Lords mais cette dernière est un cas particulier à elle toute seule sur bien des plans).

Alors bien sûr, parler de féminisme est un peu con ici. Parce qu'il y a plusieurs courants. Mais je suis assez convaincu que laisser les femmes parler de ce qu'elles font est, et restera, la meilleure chose qui pourrait faire avancer les choses quand ça les concerne de prime abord. Que ce ne sont pas à elles de prendre le fardeau de cette responsabilité du monde que nos générations précédentes ont bâtis mais que c'est un peu notre faute à nous. Qu'il est temps de réagir pour permettre à ces dernières de gagner leur vie, certes avec une activité qui pose problème, le sexe (ça posera toujours problème, de toute façon). Parce que d'un point de vue économique, ça serait déjà mieux s'il y avait une législation protectrice de cette profession. Comme toute profession. Déjà pour changer l'image. Et donner le change. Et peut-être qu'un jour, les choses changeront.

Et notamment le regard des mecs dans la rue qui se permettent de harceler les filles dès qu'elles portent une tenue (ou pas d'ailleurs) qui émoustille. Comme si c'était normal cette situation. Là aussi, des arguments contradictoires, voire légitimes, peuvent pousser à se dire que si le harcèlement est opéré par un mec en costard qu'elle trouve beau comme un dieu, une femme est presque contente, voire flattée (certains hommes mais aussi certaines filles le pensent). Je doute qu'en pleine rue, un mec qui houspille une nana, aussi beau soit-il, a de grandes chances de plaire à la dite fille. Ou alors c'est juste prendre des filles pour des demeurées ou pire, des enfants. Encore une fois, c'est soumis à caution. Et encore une fois, ça a fait débat parce que les hommes ne voient rien. beaucoup, et twitter l'a montré, ne connaissaient apparemment pas de filles autour d'eux victime de ça. Ce qui est assez étonnant. Ou alors je suis un être exceptionnel. Mais comme je suis rien qu'un mec, j'ai des doutes. Ou alors ces types ne connaissent pas de filles.

Toujours est-il qu'encore une fois, la parole des filles est soumise à caution. il a fallu qu'elles écrivent des posts rageurs et explicatifs,  pour raconter leur expérience (souvent douloureuse, voire très douloureuse), pour faire comprendre cet état de fait. Pour le montrer et l'expliquer, voire le justifier, parfois. Comme si c'était presque de leur faute. Genre.

Non, le féminisme, avec toutes ses petites histoires récentes, n'est pas mort. Il y a plusieurs facettes, plusieurs courants. Il y a d'autres trucs de luttes, d'autres endroits où ça cogne plus fort. M'enfin quand même, minorer la parole des premières concernées, ça reste quand même une vaste blague.

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