Je n'ai pas fait d'études.

Combien de fois ai-je entendu ou lu ça. "Je n'ai pas fait d'étude". Cette phrase est chargée de divers sens selon la personne. Ca peut être une justification. "Oh tu sais, MOI, je ne suis pas comme TOI, je n'ai pas fait d'études". Bouclier imparable. Protection contre une quelconque velléité de l'interlocuteur de lui balancer, souvent à tord, des références obscures. Ca peut être aussi une déception. Je n'ai pas fait d'études. Comme si c'était une blessure à coeur ouvert, indélébile et insoutenable.
Lycée Henri IV, source wikipedia
Je reste toujours intrigué par cette phrase. Parce qu'elle est chargée de sens. A l'heure où plus de 80 % d'une tranche d'âge, faire des études n'a plus beaucoup de sens. Tout le monde peut en faire. Tout le monde peut en revenir. Tout le monde peut y retourner. Il suffit juste des fois de se faire pousser ou d'avoir un but. Et briser les mêmes barrières. Cela n'a plus grand intérêt. Ce n'est pas tant les études qui importent que les bonnes études. Celles qui servent. Et dans ce cher pays qui est la France, ce n'est surement pas l'université qui va servir à quelque chose. Ah si, passer plus de temps à apprendre des trucs qu'on pourrait apprendre seul. On n'apprend ni un métier ni à travailler avec les autres. On ne le fait d'ailleurs pas assez souvent pour que ça soit rentable et utile.

Mais d'un autre coté, c'est une protection contre l'intellectualité. Les gens pensent que, parce que tu as fait des études, tu n'es forcément que matière grise qui ne cherche qu'à conceptualiser les choses. En clair et pour faire clair "qui se prend la tête". Autre phrase très intéressante à analyser, parce qu'elle peut faire aussi mal. Qu'est ce que se prendre la tête ? Réfléchir ? Concevoir ? Penser ? On rentre ici dans l'opposition classique entre les manuels et les intellectuels. Frontière hermétique où tout va se jouer. Mettre en avant les sentiments, comme si les "intello" n'en avaient pas. Était dénué de toute passion et toute perception cognitive pour pouvoir dire par exemple  à quelqu'un "mais je te pisse au cul mon ami et bien profond" lorsqu'on est blessé plutôt que de chercher à intellectualiser une souffrance. Même, et surtout, passagère.

Je n'ai pas fait d'études peut-être un merveilleux refuge. Comme en avoir fait d'ailleurs. L'un comme l'autre ne sont qu'une face d'une même pièce. Ca t’empêchera pas d'être un con fini et ça ne t’empêchera pas de ne pas en être un. Parce que ça n'a rien à voir. 

Les études, surtout longues, ne servent qu'à se focaliser sur un domaine. Une matière particulière. Une attention de tous les instants pour certains. Un échappatoire pour d'autres. Avec un but ou non. Elles ne servent ni à savoir bien écrire (et ce blog, avec ses nombreuses fautes, en est une preuve flagrante et suffisante). Elle ne servent pas non plus, hormis si l'on a fait une école, à trouver un métier. Parce que ça ne suffit pas. Ça n'a jamais suffit de toute façon.

Mais je connais peu de gens qui me disent "j'ai fait des études". Et beaucoup qui me disent "je n'ai pas fait d'études". J'ai encore eu le cas hier soir. J'aurais aimé lui dire et prolonger cette phrase, pour connaitre la raison. Est-ce pour lui une blessure ? Ou plutôt une victoire ? Une victoire sur les autres, les méchants, qui eux, ont fait des études. 

Je dois peut-être le porter sur ma gueule, que j'ai fait des études. Pourtant je dis souvent rien de passionant. Je parle mal. Je dis beaucoup de merde. Trop même. Ca va me perdre. J'ai un boulot qui ne nécessite pas de longues études. Et encore moins un savoir intellectuel hors du commun. Je me suis perdu en route. Je me suis mal aiguillé. Comme une personne qui n'en a pas fait. La seule chose qui me permettait de pouvoir en faire de longues, ca a été que le frigo familial, du fait de l'activité de mes parents et à laquelle on a pas mal participé, a été toujours plein. Ca aide à faire autre chose. On n'est plus dans l'urgence. Dans la recherche d'un petit boulot, d'un CDD ou d'une mission d’intérim pour bouffer. 

Mais je n'en tire aucune fierté. Aucune. La seule chose marquante, réellement, dans cette "passionnante" aventure des études a été la fierté de mon père, lui qui n'en a pas fait, d'études, lorsque j'ai obtenu le bac.   Il était ému. Il a vite déchanté ensuite. Ma vie serait différente si j'en avais pas fait. Mais elle aurait été surement mieux. J'ai perdu tellement d'années pour rien. Mais vraiment pour rien. Que je me dis que j'adorerais avoir une machine à remonter le temps pour effacer tout ce temps perdu. Et changer de voie. Et peut-être à ne plus faire d'études.

Et ça me fait toujours cela quand j'entends quelqu'un ou que je lis quelqu'un me dire "je n'ai pas d'études".

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