De la théorie de la friend zone, de Cyrano, des geeks et du féminisme

Marrant, le post qui marche le plus est le "Je préfère qu'on reste ami", petit post made in SEO qui a l'air de plaire.

Quand j'ai écrit ce post, c'était déjà une survivance de ce qu'on m'avait sorti un paquet de fois quand je me prenais râteau sur râteau. Une époque bénie, en fait, quand j'y repense. Le moment où t'as le temps de t'amuser et où tu comprend pas grand chose à la vie. La première étant que tu ne sais pas bien déjà qui tu es. Etre paumé et avoir le loisir de pouvoir l'être est quelque chose qu'on ne chérit pas assez.

Ensuite, avec le temps,  tout s'arrange un peu. Il faut arriver à te sortir la merde que tu vois, que tu entends et que tu lis. Tout ceci prend des jours, des mois et des années. Et tu fais tes petites expériences.



Quand tu es issu des années 80, le concept de "friend zone" touchait les filles follement éprises d'un mec. C'était elle, l'amie qui te désirait en secret et qui devait céder sa place à la cheerleader du village. Concept issu des Etats-Unis qui forgeait le "new man" qui trouve encore des adeptes aujourd'hui. Vision très genré et autocentré sur le mec qui fait souffrir les demoiselles. L'inverse de Cyrano, en quelque sort. Et bien entendu du poème de Ronsard et de "mignonne". Deux trucs qu'on apprend à l'école et qui permettent à tout un tas de mecs de s'identifier potentiellement comme mec gentil et sensible parce qu'il souffre de ne pas être aimé à leur juste valeur.

Ce truc marque donc les esprits de jeunes adolescents, légitimé par l'éducation nationale qui donne ces œuvres à lire sans prendre toujours compte des implications que cela concerne : en clair, tu es un jeune mâle, tu as l'impression d'être la plus belle créature de la terre comme te l'as dit tes parents et surtout ta mère et tu penses donc que parce que tu fais un tout petit effort de temps en temps, tu dois être remercié à sa juste valeur. Cette situation de merde est donc légitimé par le pouvoir en place, et ce pouvoir est de toute façon un pouvoir que l'on nommera patriarcal dans ce contexte, parce que c'est le cas.

Ce pouvoir patriarcal te donne une légitimité, en tant que mec, à pouvoir exiger certaines choses. Ca fait de toi le personnage le plus important du système politique sur un territoire donné d'un pays occidental, selon cette hiérarchie très simple :

- Homme "blanc"
- Femme "blanche"
- Homme Immigré "de couleur"
- Femme immigré "de couleur"

C'est basique - volontairement -, et contestable mais c'est en gros les rapports de force actuel, avec des imbrications plus ou moins évidentes et des liens plus ou moins forts et tenus selon les cas. Certains éléments de hiérarchie peuvent bouger, comme homme immigré plus haut que ""femme "blanche"", selon les cas. C'est surtout pour déjà montrer un envers du décor. Tout ceci est à affiner, et s'affine très bien sur pas mal de sites et blogs.



Dans cette hiérarchie, il est donc clair et évident que l'homme blanc qui chouine entend, quoiqu'il arrive rester en haut de la hiérarchie. C'est logique, il estime que c'est sa place. Et qu'il a donc une légitimité pour s'imposer. C'est son genre, il est fait pour ça. C'est du moins de toute façon ce que la société lui a enseigné. Corroboré par tout un tas de trucs : famille, entreprise, pub, monde du jeu vidéo, ect, ect

Partant de ce constant, le concept de "friend zone" geekée et mis au gout du jour par les petits de 20 piges est donc intéressant à plus d'un titre puisqu'on retombe toujours sur le phénomène Ronsard et Cyrano. 

Si tu te sens un mec gentil parce que tu fais des trucs pour une fille et que tu veux une récompense, tu n'es pas gentil. Tu veux quelque chose : tu veux qu'on t'aime ou tu veux baiser. En général, tu veux baiser, surtout. Mais tu veux aussi qu'on t'aime, un peu. Comme on t'a dit et montré. Sans remettre en cause ça (voit hiérarchie plus haut). 

Un peu comme le méchant dans les films qui devient méchant parce qu'il a besoin d'amour, le choupinou. 

Tu n'es donc pas vraiment un ami pour la fille en question, qui le pensait, d'ailleurs. Tu as une idée derrière la tête. Tu n'es pas gentil non plus, puisque tu as une idée derrière la tête. 


Il fut un temps ou je me gaussais de toutes ces filles qui mettaient dans leur profil de n'importe quel site de rencontres ou de tchat qu'elle n'aimait pas "l'hypocrisie". Mais l'hypocrisie est crée par toi et moi, mec.


Nous sommes en haut d'une hiérarchie, quelque soit d'ailleurs notre place dans la société en terme de fonction. C'est d'ailleurs pour ça qu'il y a pleins d'articles, mêmes dans des revues dites de "gauche" comme le Nouvel Observateur, pour mettre en avant des élus "issus de l'immigration" ou des femmes "chef d'entreprise"  comme si c'était pas trop trop normal et qu'il fallait donc en parler. Comme si une femme ou un immigré avait quand même pas trop trop sa place. Et je parle même pas de la pub du club de foot de Clermont qui a donc choisi une femme pour entraîner une équipe d'hommes. C'est pas bien bien normal tout ça donc vite vite il faut en parler.

Ce cloisonnement, cette hiérarchie, c'est le genre, c'est toi, qui l'a créé ou/et surtout qui le maintient dans cet état. On ne peut pas t'en vouloir, être un "collabo" du système (oui c'est un terme fort) est toujours plus sécurisant que de vouloir changer les choses ou de s'en prendre à celles qui vont le changer.

C'est d'ailleurs pour ça qu'on prend bien soin de mettre en  avant les Femen quand on parle de féminisme à la télé et dans les grands quotidiens : c'est simple, ça permet de décrédibiliser tout mouvement féministe derrière en pointant du doigt les actions coup de poing. C'est un peu le même principe que pour les communistes il fut un temps et les immigrés (ah non, ça ça marche toujours). Ça permet même à la plupart des nanas qui sont concernées en tant que nana de ne pas aimer les féministes parce que pour elles, les féministes, ce ne sont (que) les Femen. 

Ca sécurise le processus de domination et ça maintient cette hiérarchie. Même des femmes journalistes y adhèrent, c'est donc tout bon. Les seuls gagnants, ce sont donc les mecs, et donc moi et toi, le monsieur qui aimerait bien donc serrer la fille mais qui à l'inverse du gros connard, n'est même pas foutu de comprendre que tu l'intéresses pas sur ce plan là et/ou qui n'a rien fait pour être clair (donc se prendre un vent, et c'est moche les vents, bien sur ou de baiser en la prenant pour une conne puisque c'est un connard aussi quand meme dis donc mais ça te regarde pas).

Le mec gentil, celui qui est dans la friend zone, ne l'est donc pas plus; il a juste peur d'un coté du quand dira-t-on mais aussi des conséquences. C'est d'ailleurs aussi pour ça que toi tu n'es pas comme ça, tu ne harcèles pas dans la rue parce que tu es un mec gentil. Mais imagine toi si tu n'avais pas peur des conséquences, est-ce que tu harcèlerais pas, comme les petits, dans la rue ?

C'est donc un peu ça le problème, de cette friend zone. Tu n'es pas clair. Tu as peur. Et tu cherches autre chose que tu n'as surtout pas dit. Et tu n'es pas gentil. Tu es juste un homme dominant qui estime que tout doit lui être dû. Et notamment la baise, le sexe, avec une certaine catégorie de filles, celles que tu estimes être de ton "rang" et qui doivent t'attendre.

Alors bien entendu, c'est la faute à la société, aux médias, à tout un tas de truc. Mais c'est toi et toi seul qui fait tout ça. Par ton silence, ton absence de réaction face à tout ça. Par ton absence d'écoute, par ton manque d'empathie, par ta façon de minimiser chaque problème qu'une fille rencontre et que tu ne rencontreras jamais. Que tu n'imagines d'ailleurs pas. Que tu ne comprends pas. Par ta vision égalitaire mais que chaque chose doit quand même rester à sa place, par des "privilèges" qu'on accorderait aux filles, ect, ect.


Crédits photographiques : Alisa Verner

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