Mes deux dépressions: explication

Je ne pensais pas faire un article là dessus mais la discussion téléphonique avec une Amie (hello, Au.) me fait penser qu'il est assez utile de revenir sur mes deux dépressions, à trois ans d'intervalle. J'ai assez conscience qu'étaler ma vie sur le net n'a que peu d’intérêt pour beaucoup de monde, mais je sais aussi, parce que je le fais, que les concernés, c'est à dire ceux qui sont - ou ont été - dans mon cas, pourront été intéressé par cette  expérience.



Au préalable, la dépression nerveuse est assimilée à un truc de riche et surtout ne concernerait que les femmes ou les mecs faibles. On est sociologiquement dans un espèce de truc où on se dit que cela ne peut arriver qu'aux autres. Pas à moi.Surtout pas. En fait, il y a plusieurs moyens de masquer une dépression ou surtout cette tendance en picolant, snifant ou fumant de l'herbe qui fait sourire. Chez les mecs du moins. Enfin ça marche surtout qu'un temps, puisqu'arrive la fameuse période où ça déclenche : l'après 30 piges.

I  - La dépression, les mecs, la trentaine
Après une dizaine d'année de vie de jeune adulte où on se sent fort, invincible, cool, frais et bigarré, jeune et bien formé arrive donc cette fameuse période. Cette putain de période de crackage complet. On ne le voit pas bien en fait. Ca n'arrive pas comme ça d'un coup. Scientifiquement et biologiquement parlant, il y a pleins de trucs qui font que ça va pas le faire. Dans mon cas, les deux déclenchements ont été un peu similaires :

- La première fois, j'ai stoppé net la caisse après cinq kilomètres alors que je devais me rendre à Nice (il y avait environ deux heures de voitures). J'ai pas pu continuer.J'ai rebroussé chemin. Je suis rentré.Et j'ai explosé en plein vol : sentiment de claustrophobie qui arrive. Impossibilité de remonter dans une voiture. je voulais sortir, j'en pouvais plus. On ne se rend pas bien compte de ça  tant qu'on l'a pas vécu en fait. C'est un mal qui nous ronge en nous. Comme ça. C'est comme un coup de folie, ton cerveau t'indique que c'est fini, game over. Qu'il ne fera plus rien pour toi. Pas comme ça. Pas en continuant comme ça.

- La seconde fois, je n'ai pu prendre qu'une station de métro. J'étais à Paris et je devais me rendre en banlieue pour aller bosser. Je faisais deux boulots et là tout d'un coup, je ne pouvais plus continuer dans cette rame. J'en avais marre de la foule, du métro, de cette chaleur. J'avais les mains moites depuis quelques jours. J'avais vu un docteur plusieurs fois qui avait commencé doucement par me donner du magnésium. Et qui a voulu passer à la vitesse supérieur avec de l'anti dépresseur. En fait, je le savais pas quand j'en ai pris. Et c'st peut-être ça qui m'a le plus tué. Bref, même chose, j'ai tout stoppé. Net. Plus rien n'avait ne comptais. J'en avais marre de tout. Je suis rentré à pied et ça a été dur et j'ai commencé une lente descente aux enfers.

Ces deux fois sont arrivées comme ça. Mais elles ne sont bien entendu pas dû au hasard. En fait, on ne se rend compte de rien. On encaisse des trucs sans voir que ça nous touche plus que ce que l'on voudrait. Comme je suis genré mec, j'ai pas bien pris la peine de voir de l'autre coté du mirroir et de m'intéresser plus tôt à ce type de phénomène. Ça arrive toujours aux autres, c'est bien connu. Donc on tombe. Et bien bien comme il faut.

Cette réaction au niveau physique est d'une violence assez inouïe. Si vous avez déjà fait un bad trip, vous savez peut-être. Si vous avez été déjà dans cet état là, vous savez. Les autres, comment vous dire ? C'est comme si on prenait votre cerveau et qu'on le compressait à mort. Votre crane est prêt à exploser, vous ne vous appartenez plus. Et ce n'est pas fini.

II - La gestion d'une dépression
Ce qui est super avec une dépression, c'est que vous savez que vous avez un problème. Vous le savez super bien parce que tout est bien dit dans votre tête. Ca lâche de partout : pensée morbide, envie d'aller se jeter sous la première bagnole qui passe, du haut de votre immeuble. Bref, c'est génial. Vous avez à peu près toute la panoplie des tendances suicidaires et ce n'est même pas pour faire votre malin comme si vous étiez ado. Ça part vraiment en couille.

Et donc le pire, c'est que vous êtes dans l'incapacité totale de réagir. Mais rien. Tout devient putain de dur : s'habiller, se laver, bouger d'une pièce à l'autre. Tout est dur. C'est comme si chaque action vous demandait un effort surhumain. Comme si en plus de vous avoir éclaté le crâne, votre corps vous faisait sentir que c'est loin d'être fini. Et ça tourne en boucle à l'intérieur, tourne en boucle, tourne en boucle. Une putain de danse macabre. On ne sait pas bien analyser le pourquoi du comment et on ne comprend pas bien pourquoi ça nous arrive comme ça tout d'un coup (mais on apprendra plus tard que c'est évident).

Donc il faut du courage pour faire des choses. En fait, la première chose à avoir, c'est des béquilles. La dépression est une vraie putain de maladie. C'est la même chose également comme si tu te pètes un bras, une jambe. Il te manque un truc. Tu n'arrives plus à te déplacer correctement. C'est ça qui est évidemment le plus paradoxal parce que tu parais bien : tous tes membres sont là, tu parles, tu manges, tu vis mais à l'intérieur, tout est cloisonné, fermé, cadenassé, et en boucle.

Il faut donc pouvoir briser ce cercle de merde. Pas 36 solutions. Tu peux attendre que ça passe en restant des journées dans ton lit, sauf que plus le temps passe, moins ça passe. Et là tu te dis que tu dois voir un médecin qui va te filer et des anti-dépresseurs, et des anxiolytiques. Ces deux belles saloperies qui vont être ta béquilles pour déjà survivre puis ensuite vivre. Mais ça ne suffira pas. Ton médecin te prescrira ça parce qu'il est fait pour ça, ton médecin: te soigner avec des produits. Tout comme le psychiatre que tu vas aller voir, et qui en complément va te filer des trucs.

Parce que bien entendu, tu vas aller voir un psychiatre (ou un psychologue). Dans mon cas, vu que je pouvais pas me déplacer super loin, et qu'il n'y avait que des psychiatres dans moncoin, ça a été psychiatre. Ca aurait pu être psychologue.

Bien entendu, avant tout ça, tu as fait des recherches sur le net. Beaucoup. Trop. Et c'est peut-être d'ailleurs pour ça que tu es ici. Et ça ne fait peut-être qu'empirer les choses, mais c'est un autre débat.

Quand un proche fait une dépression nerveuse, on veut l'aider et c'est normal. On va donc le conseiller de faire beaucoup de choses, Beaucoup. Beaucoup trop. C'est un peu tout le contraire qu'il faut faire : il faut faire une seule chose et s'y tenir. Et surtout faire: pas dire de faire. AUCUN conseil ne marchera s'il n'est pas suivi d'une aide physique. En clair, chercher un psy. Ou téléphoner. Ou conduire la personne chez un psy. Ou chez un doc. Bref. Les conseils n'ont ici aucun effet puisque on est justement incapable de faire les choses. Ce fameux besoin de béquilles (faut s'en détacher de ces béquilles, mais ça, c'est un autre problème).

Je ne crois pas qu'il y ai une seule façon de sortir de la dépression. Moi, je sais que j'avais besoin qu'on me rassure. Qu'on me dise que j'en avait fais un peu trop. Ou qu'il m'était arrivé un peu trop de choses pour que mon corps puisse le supporter tout seul. Qu'il fallait se poser. Qu'il ne pouvait plus encaisser ce que mon esprit tentait de masquer. Ma première dépression, ça a été l'arrêt de ma thèse sans que je n 'ai pu la terminer, en même temps que le chômage et un avenir gris et flou. La deuxième, j'ai tellement pris de choses dans la gueule que je me demande encore comme j'ai fait pour être encore vivant : décès de mon père, nouvelle ville, un second job en plus du premier (c'était plus pour aider ma soeur qu'autre chose, d'ailleurs), travailler tous les jours (et je dis bien, tous les jours), pas de soleil (Paris oblige et c'est pas qu'un cliché, putain), plus la famille, plus le couple. Bref. Tu pètes les plombs mais pas comme il faudrait, c'est à dire en gueulant un bon coup que tout le monde peut bien aller se faire enculer. Non, tu t'infliges ça à toi parce que t'es le mec qui est supposé encaisser. Bref, tu merdes complet.

Je ne sais pas bien si une dépression nerveuse est un truc de riche. Peut-être. Mais C'est peut-être et surtout parce que tu te fous une pression de dingue tout seul pour être le plus grand, le plus beau et le plus fort. Que tu veux être comme les autres, tous ceux que tu croises dans la rue et qui ont l'air beau, grand et fort.

Bon, ça, bien évidemment, tu savais que c'était faux avant de l'oublier. Tu savais que beaucoup trop de gens se prennent à coup de médoc, d'alcool ou de drogues pour tenir le coup. Que peu sont capables de supporter tout un tas d'emmerdes en même temps. Voir même un seul.

Le plus emmerdant, dans mon type de dépression, a été de pouvoir mettre le doigt là ou ça fait vraiment mal, pour savoir le pourquoi du comment. Etant de toute façon un putain d'anxieux de nature, il m'était difficile de pouvoir savoir pourquoi. Et quand tu t’aperçois que même ta psy hallucine sur ton comportement de type qui passe son temps à trop réfléchir, tu te dis que oué, finalement, tu es plus un sale con qu'autre chose. Que d'autres ont de vrais putains de problèmes à gérer. Et ça te fait encore plus mal parce que si d'habitude, ça te permet de relativiser, là, ça te fait t'enfoncer encore plus dedans.

En clair, dans mon cas et pour aller mieux, j'ai été obligé de me séparer des gens, de couper certains points. De dire à d'autres de me laisser souffler. Je ne pouvais plus gérer la famille, les amis et le reste. J'étais flingué. Ça, c'est ma dépression nerveuse. Toujours à se faire du souci pour les autres, à savoir s'ils vont bien, ect, ect. A vouloir aider, coûte que coûte. Parce que tu le peux. Parce que tu te fous complet de savoir si tu pouvais ou pas le faire. C'est plus fort que toi.

Est-ce que je suis guéris maintenant, là est la question. Je ne crois pas bien. J'ai pas fini de régler certaines choses et je me suis créé certaines peurs et phobies en réaction qu'il faut maintenant que je me débarrasse. C'est un autre combat. Mais je sais au moins une putain de chose : quand tu morfles comme ça, t'as au moins quelque chose de positif qui arrive:  tu deviens plus humain avec les gens parce que toi, tu sais ce que le cerveau peut faire quand tout part en couille. T'es presque comme un highlander: tu détectes les gens qui sont comme toi et surtout tu sais un peu plus comment leur parler. Et bien souvent, de se taire. Pour le moment. Et du moins au début.

Commentaires

  1. Récit criant de vérité, imagé et du coup très parlant.
    J'ai 37 ans et 2 dépressions à mon compteur aussi, et je m'y retrouve.

    Sur la forme structurelle d'une dépression (le fond), je te rejoins, il y a une trame générale qui revient souvent dans les dépressions. Terrain anxieux, hyper-émotivité, croquage de cerveau en boucle, tu encaisses, longtemps, longtemps ... et d'un coup le déclencheur et yalahhhh, ca part en couille !
    Après, sur le contenu et le déroulé de la dépression (la forme), c'est au cas par cas. Les thèmes et les raisons qui te font péter les plombs, sont différents pour un tel ou une telle. Chacun à son caractère; son passé, ect.... Et ta dépression va s'exprimer selon tous ces éléments tellement divers et variés. Au final un joli pot-pourri.... C'est pas peu dire !

    La guérison... la chimie pharmaceutique, très peu pour moi. L'aide externe (la béquille) ça oui. Ca prend du temps, il faut vouloir, l'accepter, l'admettre, c'est là que tu apprends l'humilité (ou bien elle se renforce), une chose à la fois, comme un pti vieux, tu y es obligé de toute façon, Tu ne sais plus, tu ne peux plus (à prendre vraiment au sens littéral du terme) faire autrement. Faire vite et mieux, comme avant, tu n'y arrives plus.


    Par contre, je pense pas que ça soit un truc de riche. Je ne suis pas riche et pourtant.
    De sûr, tu en ressort différent, plus humain.... Sans nul doute !

    Ton article vaut des points !

    Monsieur Tarmak

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés